Coup de gueule du jour : Le contrat « brasseur »

Je me souviens – il y a peu – avoir échangé sur l’importance d’indiquer le site de production sur les étiquettes de bière. Cependant, si nous, professionnels et passionnés, lisons les étiquettes, qu’en est-il du consommateur « lambda »? Il est donc de notre devoir de l’informer tout en exigeant que ces informations soient clairement précisées sur l’étiquette.

L’information reste essentielle, la qualité aussi! J’en arrive au sujet – plus grave encore – qui est le système, largement établit en France, des contrats « brasseurs ». En France, il concerne un établissement CHR* sur trois. Cette proportion s’élève à huit sur dix à Paris.

*CHR : Café Hôtel Restaurant.

Qu’est-ce que le contrat brasseur?

C’est un contrat d’exclusivité entre les gérants de CHR et les « brasseurs » (Ex : France boissons ou Tafanel pour ne citer qu’eux) qui ne sont rien d’autre que des grossistes à ne pas confondre avec les vrais brasseurs qui eux produisent. En contrepartie, les « brasseurs »/grossistes aident au financement en octroyant un prêt, des garanties ou même carrément la licence et met à disposition du matériel : pompes à bières, mobilier, store…

Une pratique moyenâgeuse. 

Ce contrat est l’un des plus anciens car il date du Moyen Age. A l’époque, les brasseurs étaient également taverniers et vendaient directement leurs bières aux consommateurs. La Révolution Industrielle a vu une augmentation considérable de la production grâce aux progrès techniques ce qui a conduit les brasseurs à fidéliser leurs clients et à multiplier ce type de contrats. Même si des directives européennes sont venues encadrer ces contrats d’exclusivité dérogatoires au droit de la concurrence, les conséquences sur le marché de la bière artisanale sont importantes.

Les conséquences sur le marché. 

Cette pratique explique la pauvreté de l’offre en CHR. En effet, dans la majorité des cas, ces « brasseurs » sont des filiales de grands groupes industriels brassicoles. France Boissons étant une filiale d’Heineken et Elidis, vendu en 2007 au réseau C10, était une filiale de Kronenbourg. La pression est psychologique. La création ou la reprise d’une entreprise quelle qu’elle soit est toujours une prise de risque et exige de gros moyens. Il devient donc difficile de mettre en avant une bière différente de celles proposées au catalogue des « brasseurs » de peur perdre des avantages conséquents. En discutant avec un ami, gérant mandataire d’un bar restaurant, j’apprends que le fût de Amstel lui coûte 3,17€ le litre HT (accises comprises). Pire, le fût d’Affligem lui coûte 4,53€ le litre! Quand parallèlement, mes amis brasseurs cherchent à développer leur entreprise artisanale, je me dis que si ce fût d’Affligem était remplacé par une bière artisanale, je serais la plus heureuse du monde et le consommateur serait évidemment gagnant.

La solution.

Restons réaliste, je n’ai pas la prétention de changer le système. Mais, chers « brasseurs » et chers gérants, pourriez-vous, s’il-vous-plaît, accorder une petite place à la bière artisanale, juste un bec? Est-ce trop demandé?

En tant que caviste, j’ai eu l’opportunité de choisir et de sélectionner mes produits. Quelle chance! Pourquoi alors, les gérants de CHR n’ont pas la possibilité, ni l’envie de choisir d’autres produits? S’il semble y avoir une certaine liberté dans le choix des vins, il en manque pour le choix des bières. Ne pouvons nous pas envisager au milieu de toute ces eaux aromatisées et bières industrielles sucrées à outrance qui donnent mal à la tête, quelques bières artisanales françaises?

Si mes futurs ex-amis de Tafanel et de France Boissons veulent me contacter, je suis à leur disposition. S’il veulent me liquider, c’est une autre histoire et je pense qu’ils ont tort. Cet article générera peut-être des réactions et je le souhaite. J’exprime, en tant qu’indépendante, un ras-le-bol du goût unique, de la fadeur. J’habite Paris, capitale de la gastronomie, la bière y a sa place et la mérite. Il s’agit aussi de défendre des artisans passionnés et passionnants.

A la bonne vôtre!

À propos de AllegoriA

Je m'implique au quotidien à développer une consommation durable et responsable de la bière artisanale française.

19 réponses à “Coup de gueule du jour : Le contrat « brasseur »

  1. Johan

    Salut à toi et félicitation pour ce coup de gueule !
    Moi même,étant proprio d’un petit bar je suis en contrat et c est ce même contrat qui est en train de manger mes marge !!! Je conseil à toute les personne qui reprendrons un bar de ne signer aucun contrat brasseur même si celui est alléchant .
    Si vous êtes libre et sans contrat vous aurez la possibilité de choisir vos produit et surtt la qualité et le prix de ceux ci alors que m on brasseur quand a lui ce contente de me fournir la même ibère et de l augmenter de 4% chaque année.
    Le contrat était alléchant et je suis impatient qu’il se finisse !!!!

    • Bonjour Johan!

      En effet c’est un vrai problème. J’ai été surprise par les prix d’achat. À ce tarif là, on trouve de très très bonnes bières locales. La solution : faire les travaux d’aménagement soit-même, trouver du mobilier d’occasion, se fournir directement chez le producteur…. C’est peut-être du boulot en plus mais au final si ça permet au moins un peu plus de marge ou plus de liberté, je pense que c’est mieux. Et le client sera toujours là.

  2. Johan

    Je pense vraiment comme vous mais il faut ce faire avoir une fois pour le comprendre
    Il me reste 2 ans et demi de contrat et j’avoue ne pas être ravie de cela je préférerai largement « enrichir » un vrai brasseur et non un grossiste au moin je serai sur de la qualité ! Actuellement je paye le même prix qu un particulier voir même plus cher !!!
    Ces entreprise on une politique de chiffre extrême et favorise largement les bar qui ont un gros débit ce qui n est pas mon cas ! Nous somme en train d assister à la mort des bar de proximité à l’image des épicerie dans toutes les petite et moyenne ville !!!

  3. ChaMM

    Bonjour,
    J’ai le projet (qui se concrétise de jour en jour) d’ouvrir un bar. Et ce soir, en me renseignant sur les contrats brasseurs j’ai tilté sur ce qu’ils proposaient d’alléchant (prêts…). Ceci dit, en lisant vos posts (et bien d’autres sur les sites) je me rends compte que ce n’est pas si attrayant que ça pour le consommateur comme pour moi… Vous me conseillez quoi ? Sachant qu’ étant nordiste j’ai envie de proposer un large choix de bières de goût, de petits producteurs… (la même chose avec les autres alcools!) mais n’est ce pas cracher dans la soupe de refuser un contrat brasseur quand on débute avec un budget rik-rak comme moi ?! Merci d’avance de vos réponses. A la vôtre !

    • Bonjour,

      Je vous conseille d’aller voir des brasseurs (les vrais hein!) directement qui sont suffisamment gros pour vous aider sur du matériel à condition de faire leur bière. Je pense aux brasseries belges et sinon dans ch´nord Castelain, Jenlain ou même Page 24. À vous de voir avec qui vous souhaitez le plus travailler. Les avantages financiers seront peut-être moindre mais la liberté plus importante. Cordialement,
      Dorothée

    • johan

      Salut à toi et bon courage pour ton projet !!
      Les contrat brasseur sont très alléchant mais tu te rendra vite compte que les tarif le sont moins!! Encore 4 % au 1er janvier pour ma part sans compter la hausse de la tva !!
      Pour moi le contrat aurai été bien si j avait vraiment pu négocier les tarif de départ mais ils arrivent toujours à te faire croire que c est des bon tarifs.
      Méfie toi des tarifs Ht qui ne prenne pas en compte la taxe sur la bière et la tva qui taxe le tt.
      L alcool fort c est pareil attention une vignette sécurité social est à rajoute à ton prix hT puis le tout est taxé par la tva.
      Oui une taxe sur une taxe bienvenu en France !!!

  4. Enfin l’explication, merci.

  5. R

    Au Royaume-Uni, ce type de contrat (qui vont semble-t-il plus loin que ça et s’apparentent plus à un modèle de franchise http://www.camra.org.uk/beertie ) est dénoncé par une association d’amateurs de bière, la CAMRA, qui milite également pour geler les droits d’accise, pour encourager les pubs à s’approvisionner en bières locales et pour éviter la fermeture de pubs.
    J’espère que le renouveau de la bière en France donnera naissance à ce type d’association.

  6. Pingback: L'emprisonnement des Cafés, Hôtel, Restaurant, le contrat brasseur

  7. Article qui a le mérite de mettre en évidence certaines pratiques moyenâgeuse… OUI.
    Mais comme bien souvent rien n’est imposé et c’est souvent le fait d’amateurisme de signer de tel contrat.

    Une seul règle : Faites vous accompagner.

    Personnellement nous avons développé ces 6 derniers une franchise de bar à bière, sans jamais signer de tel contrat.
    Oui les investissements sont plus lourds au départ mais c’est le prix à payer pour la liberté et la pérennité.

  8. Léo Pluhaut

    Heureusement ça bouge depuis quelques années.
    Ce procédé commercial douteux a contribué, dans les années 80/90, à l’effacement des bières du NPDC dans les lieux de consommation publics.

  9. C’est ce qui se passe aussi en Belgique. Si l’on veut reprendre un établissement déjà créé, le bail de l’immeuble appartient aux brasseurs (Alken-Maes, In bev ou autres). Donc, ils vous tiennent et devez prendre ce qu’ils vous proposent. Et si vous désirez créé vous même votre établissement, vous aurez le choix mais il y a intérêt à avoir une belle somme d’argent avant de commencer.

  10. Gilbert Delos

    Rappelons tout de même que le contrat actuel est un contrat de distribution, et non un contrat de marques nominatives, qui a été dénoncé il y a déjà longtemps au plan européen. Autrement dit, le cafetier qui souscrit un tel contrat doit s’approvisionner auprès du distributeur co-signataire, mais il doit pouvoir avoir les bières qu’il souhaite, sinon c’est du refus de vente de la part du distributeur. Il y a certes des contrats qui stipulent telle ou telle marque comme « premier bec », mais leur légalité est douteuse.
    Certes, il y a les prix pratiqués, souvent très exagérés, mais c’est un autre problème.
    De toute façon, les créateurs d’établissement n’ont aucune obligation d’avoir ce type de contrat. A eux de savoir comment maintenir leur indépendance.

  11. Leroux

    J’ai lu le coup de gueule et les commentaires, ce qui est dit est globalement vrai mais en tant qu’ancien commercial de brasserie s’occupant des financements auprès des CHR, il faut admettre que les banques n’ont plus confiance dans ce type d’investissements et que sans l’engagement des brasseurs le nombre de bars restaurants qui disparaissent chaque année serait bien plus grand. Le brasseur et le grosssite lancent des tendances et essayent de dynamiser le secteur d’activité. Il faut trouver effectivement un équilibre dans tous cela et le créateur ou repreneur doit s’informer de ce qui existe en dehors des reseaux classiques et découvrir parmis les 800 microbrasseries celles qui peuvent financièrement les accompagner quand cela est nécessaire mais ne vous détrompez pas, on a rien sans rien et le coût du produit acheté sera toujours plus élevé qu’un produit remise car aucune autre aide à côté. J’ai souvent remarqué, cela n’est pas une règle, que les jeunes sans trop de moyen sont souvent ceux qui sont devenus les vrais professionnels et si nous brasseur n’avions pas eu confiance en eux, ils n’auraient pas eu leur chance. Et c’est ainsi qu’une fidélité au delà du contrat née, c’est ce que beaucoup recherche, travailler en confiance et durablement.

  12. Jihane Courtonne

    Bonjour, j ai un bar restaurant à sein d un camping, mon fournisseur de bières veut récupérer son matos du jour en lendemain, à tous il le droit sachant que je n est pas de contrat avec lui c est juste une mise à disposition de matériels à condition que je me fournisse chez lui en bière, il me propose sinon d acheter le matos, mais je n est pas les moyens!

    • Bonjour Jihane, n’étant pas spécialisée dans ce type de situation, je ne peux vous aider pour la partie « juridique ». Cependant, je m’étonne que votre fournisseur ne vous ai pas fait signer un contrat de mise à disposition. A votre place, je ne chercherai pas à négocier. Je contacterai un brasseur local en direct en lui expliquant votre situation. Ils ont souvent du matériel mobile en location. Attention à bien mettre au clair les conditions de « vente » / « location ». Sachez qu’en fonction de vos besoins, l’achat de certaines tireuses dites « premix » n’est pas si excessif que ça et que vous pouvez en trouver d’occasion. Dans quelle région êtes-vous ?

  13. guillaume

    Pour Jihane: tout est une question de volume, le fournisseur quand il met à disposition s’entends avec le client sur un volume qui doit être spécifié ainsi que la durée sur la mise à disposition. Si le client ne fait pas les volumes pour différentes raisons, pas assez de clients ou volume surestimé, mise en avant du produit non réalisé, ou fourniture ailleurs pour obtenir des meilleurs tarifs ou autres marques que celles distribuées par le fournisseur, ce dernier aura tendance à réagir ainsi. Conclusion, soit tout faire pour une meilleur mise en avant du produit, animer etc… ou vendre de la bouteille. Cordialement.

  14. Henault

    Cher monsieur,je suis propriétaire d’un café bar brasserie sans prétention dans la région parisienne et je suis tout à fait d accord sur le faite de laisser vivre les brasseurs artisanaux et je suis prête à vous laisser un bec si cela vous intéresse.
    Cordialement stephanie

  15. Patt38

    Bonjour
    Je rebondis sur ce sujet étant confronté au problème (suite à une reprise de parts dans un petit bar-resto)
    Le précédent propriétaire s’est fait cautionner la moitié de son emprunt par Karlsb… qui a établi en contrepartie une convention qui est complètement à sens unique, je résume les principaux points :
    – exclusivité totale
    – tarifs imposés très élevés, augmentations également imposées et quasiment non négociables
    – volumes minimum très largement surévalués, sur un système de « take or pay » : on prend on prend pas, on paie quand même, puisqu’à l’issue des 7 ans de la convention, ce qui risque de représenter une somme conséquente… et un excellent moyen pour Karlsbr… d’imposer une nouvelle convention (du style « vous inquiétez pas on va s’arranger)
    – aucune possibilité de sortir de cette convention de manière anticipée
    etc.
    Il n’y avait pas possibilité de sortir de ce contrat qui était évidemment transmissible sans possibilité de sortie lors du rachat de la société.
    Bref, ce type de contrat est à éviter absolument, celui que je dois gérer n’est absolument pas équilibré et pénalise fortement notre rentabilité.

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