Tout bon dégustateur qui se respecte se doit de connaître les styles de bière (cf. le BJCP qu’on m’a reproché de ne pas citer). Il se doit aussi de détecter les défauts d’une bière. Ces derniers étant déterminants de la qualité intrinsèque du produit dégusté.
Suite à l’émission Le Pod’capsuleur – HS#10 Les faux-goût et défauts de la bière, il m’a semblé important d’ajouter quelques éléments pratiques pour permettre aux auditeurs de préparer eux-mêmes les mixtures que j’évoque à l’antenne.
En effet, à force de lectures et recherches passionnantes sur le sujet, je me suis rendue compte que les molécules sources de flaveurs secondaires* et défauts étaient présentes dans d’autres produits de notre quotidien. Ainsi, l’acétate d’éthyle est à la base du vinaigre. L’acétate d’isoamyle est quand à lui utilisé dans l’industrie comme saveur artificielle de poire ou de banane.
Partant du constat que nous sommes capables de discerner et décrire les flaveurs secondaires et les défauts :
- Soit par la présence de molécules présentes dans d’autres produits et utilisées pour d’autres applications,
- Soit par une description organoleptique et précise de ses flaveurs,
Je me suis mise en tête de reproduire quelques-uns des défauts courants de la bière avec ce que j’avais sous la main. Voici donc ce qu’il vous faut :
- Un verre de dégustation de 12,5cl,
- Une bière, la plus neutre possible qui servira de base à la détection de ses flaveurs,
- Un paquet de fraises Tagada® (2 suffisent mais je n’ai pas trouver de fraises Tagada® à l’unité),
- Un paquet d’Arlequins™ (Les bonbons pas les livres),
- Du dissolvant,
- Du vinaigre blanc,
- Une conserve de maïs,
- Un paquet de Werther’s Original™ ou de bonbons au caramel et beurre salé.
Mise en garde : l’odorat participe à hauteur de 80% à la perception des flaveurs, il s’agira donc ici uniquement de sentir les préparations. Certaines étant impropres à la consommation !
Les esters
Définition : nom générique des composés chimiques résultant de la combinaison d’un alcool et d’un acide carboxylique […]. Ils se forment dans la bière par la levure au cours de la fermentation et de la garde et contribuent largement au profil aromatique de la bière.
Pour fabriquer vos esters, il suffit de mettre dans vos verres de dégustation préalablement rempli de la bière servant de base :
- 1er verre : 2 fraises Tagada®** (1 seule suffit si vous avez le nez fin),
- 2ème verre : 1 bonbon Arlequin™**,
- 3ème verre : 2/3 gouttes de dissolvant.
Les esters ne sont pas un défaut en soi. Certaines levures sont même choisies pour leur capacité à développer des esters. Ainsi, l’ester de banane qui s’exprime dans certaines bières de blé est voulu. J’ai d’ailleurs tenté de reproduire cet ester avec des bananes Haribo™ mais peine perdue, celles-ci ne sentent pas assez fort.
Cependant, l’ester créé artificiellement avec le dissolvant est lui rédhibitoire lorsqu’il dépasse le seuil de saveur. Il s’agit ici de l’acétate d’éthyle. Plutôt fruité à faible concentration, il goûte et sent le dissolvant à une concentration élevée.
A noter que « […] l’acétate d’alcools supérieurs (se forment) par l’acide acétique issu de l’oxydation de l’alcool (qui) réagit avec les alcools supérieurs produit par les levures ». C’est important pour la suite…
L’acide acétique
L’acide acétique est un liquide incolore de la famille des carboxyliques. C’est l’un des plus vieux conservateurs alimentaires : les Romains l’appelaient « acetum », le vinaigre. Toutes les civilisations qui pratiquaient le brassage de la bière ou la vinification ont découvert cet acide naturel. Il est aussi peu toxique pour l’homme et facile à synthétiser.
Cependant, présent et détectable dans la bière, il peut à l’exception de certains styles comme les bières de fermentations mixtes par exemple, être un défaut.
Pour s’entraîner à détecter ce défaut dans une bière, il suffit d’ajouter quelques gouttes de vinaigre blanc dans votre verre de dégustation.
A noter que les bactéries acétiques peuvent être sources de sulfure de diméthyle (DMS), d’acétaldéhyde et de sulfure d’hydrogène.
Le sulfure de diméthyle ou D.M.S
Le D.M.S se caractérise par des flaveurs de maïs en boîte, de pop-corn, de petits pois, de chou, de brocoli ou même d’oignon. C’est un composé soufré. Dans les stouts, il est perçu comme une flaveur de jus de tomate.
Pour s’entraîner à détecter ce défaut, il vous suffit de verser tout ou partie du jus d’une conserve de maïs directement dans votre verre de dégustation.
Le diacétyle
Le diacétyle est un sous produit de la fermentation. A faible dose, il apporte un arôme de miel voir de vanille. A plus forte concentration, il développe un arôme de caramel au beurre et de beurre rance et même une sensation huileuse en bouche
Pour s’entraîner à détecter ce défaut, il vous suffit de placer un Werther’s Original** directement dans votre verre de dégustation.
En conclusion, vous l’aurez certainement constaté, notre quotidien regorge de surprises ! Pour les plus perspicaces, vous aurez découvert que certains défauts n’arrivent pas seuls et qu’ils sont liés les uns aux autres mais sous différentes formes. Et enfin, les plus professionnels sauront que la fermentation est l’une des causes principales du développement de bactéries, défauts et flaveurs secondaires* en tout genre.
*Note de l’auteure : je préfère traduire off-flavours par flaveurs secondaires plutôt que par faux-goûts.
**Note de l’auteure : j’ai ôté le bonbon avant dégustation.
Merci pour cet article détaillé (et pour l’épisode du podcast !) !