5 méthodes simples et efficaces pour améliorer la Qualité dans votre brasserie by Neil Witte

J’ai en ma possession et depuis un temps certain, quelques magazines all in English tel que « The New Brewer », une publication de la Brewers Association of United States. J’y ai lu certains articles très intéressants et enrichissants. Je me propose ici d’en faire une lecture, plus qu’une simple traduction, en tentant d’y appliquer un point de vue français.

5 Quality Elements to Implement Right Now by Neil Witte

– The New Brewer, March/April 2019

L’un des premiers articles a avoir attiré mon attention est celui-ci. Car, il propose des solutions simples, efficaces, rapides et peu onéreuses pour accroître la qualité en brasserie. La multitude de brasseries aux States génère une concurrence qui n’est pas aussi visible en France. En effet, même si notre pays est actuellement le premier pays d’Europe en nombre de brasseries, celles-ci sont plutôt minuscules par rapport aux mastodontes américains. Les enjeux sont donc différents. Cependant, la Qualité reste un élément différenciant et important.

Comme le signale Neil Witte, l’auteur de cet article, il n’y a pas de réponses simples à la question : « Quels sont les éléments essentiels de la qualité ? » : mesure du pH de l’eau, densité du moût, nettoyage et sanitation des cuves… En dehors de ces mesures basiques que tous se doivent d’appliquer, il existe d’autres actions à mettre en place qui sont particulièrement efficaces et qui ne nécessitent que très peu d’investissement.

  1. Standard Operating Procedures (SOPS) = Procédures Opérationnelles Permanentes (POPS). 

Ici, l’auteur propose de mettre en place la méthode SOPS, c’est à dire, de rédiger des Procédures Opérationnelles Normalisées ou Permanentes (selon la traduction qu’on en fait). En soutien de votre HACCP qui vient lister tous les points pouvant être sources de dangers, ces Procédures Opérationnelles Normalisées décrivent en détails les actions nécessaires à l’élaboration du produit. Il ne s’agit plus seulement de lister les étapes qui peuvent poser des problèmes de sécurité, il s’agit de les décrire dans le détails en tenant compte de votre matériel, des spécificités de vos méthodes, de vos recettes… ; du bouton vert à enclencher pour lancer le dédréchage, au joint à changer pour assurer le bon fonctionnement de l’embouteilleuse en passant par la façon de dry-hopper le houblon en fonction de la recette brassée.

Comme l’indique l’auteur, les avantages sont multiples. Lorsqu’une équipe est composée de 2 brasseurs, chacun effectue les mêmes actions au même moment du processus. Cela garantit une meilleure communication entre collègues et une réflexion sur les actions à mettre en place pour rendre l’outil plus efficace. Imaginons que l’un des 2 soit malade (ou confiné), l’autre peut prendre le relais sans pour autant tout chambouler. Ce qui permet naturellement d’éviter les risques et les écarts de qualité ou de goût entre 2 brassins de la même bière. De plus, c’est une bonne base de transmission lorsqu’il s’agit de former un nouveau membre de l’équipe. De même lors de l’arrivée d’un nouveau matériel, se poser la question du “comment ça marche ?” et du “comment je l’intègre au mieux à mon process actuel ?” et l’exprimer sur papier permet souvent de prendre du recul par rapport aux habitudes quotidiennes. Parfois même, cela peut permettre de se rendre compte de tâches inutiles ou mal exécutées et donc d’optimiser l’efficacité d’un matériel ou d’une méthode.

Fastidieux me direz-vous, certes !

Concernant la mise en oeuvre, elle peut paraître fastidieuse. Mais alors pourquoi ne pas impliquer l’équipe et les “responsables” de poste à rédiger eux-même leur procédures ? Ce sont eux qui savent le mieux mettre en oeuvre ces procédures car ils effectuent ses gestes et ses actions au quotidien. Charge à quelques-uns de relire et poser les questions en cas d’incompréhension. Cela demande un peu de temps, mais à terme, il s’agit d’en gagner et de gagner en qualité. De plus, il est important de standardiser les POPs avec un formulaire unique pour chacun des postes de travail afin que chaque membre de l’équipe puisse s’y retrouver. En effet, une POP doit être simple, clair et précis pour tout et pour tous.

  1. Sensory Program = Programme de dégustation

Celui-là est mon favori. Hyper simple, source d’implication et quasi gratuit, il s’agit de mettre en place un programme de dégustation de toutes les bières produites en impliquant à fortiori l’ensemble de l’équipe. Cela peut même devenir un moment convivial à condition de se contraindre à un minimum de rigueur et de ne pas tomber dans la beuverie sans intérêt.

Evidemment, comme l’indique Neil Witte, il est fréquent que chaque brasseur goûte les bières produites à différents moments de la fabrication. Souvent, il arrive que l’équipe se retrouve autour d’une table pour déguster les produits et les analyser. Cependant, ce n’est pas suffisant. Il s’agit ici de mettre en place un vrai programme de dégustation avec une procédure de dégustation standardisée dans un environnement propice.

Ce programme de dégustation a des avantages indéniables et permet notamment de détecter un problème sur un produit avant sa commercialisation. Si chacun des lots de chaque produit est testé, cela évite de sortir une bière dont les qualités organoleptiques ne seraient pas conforment à ce qu’elles devraient être. On parle ici de défauts ou de flaveurs secondaires (faux-goût) mais aussi de standardisation/constance. Comme le précise bien Neil Witte, même les meilleurs matériels de chimie et de microbiologie ont leurs limites. Le palais reste le meilleur moyen de détecter les flaveurs secondaires et les défauts et de définir s’ils sont au-delà du seuil de perception acceptable (cf. article + podcast sur les défauts de la bière). De plus, aujourd’hui, peu de brasseries françaises disposent de laboratoires pour tester toutes leurs bières Sachant aussi qu’un test effectué par un laboratoire externe a un coût certain.

Concernant la mise en place, celle-ci est relativement simple. Il s’agit de réunir de manière régulière, 1 fois par semaine par exemple, un panel de dégustateurs qui peuvent être les salariés de l’entreprise, mais aussi des clients. Les bières sont dégustées à l’aveugle avec une fiche de dégustation spécifique qui reprend tous les éléments nécessaires et indispensables à une évaluation exhaustive des qualités organoleptiques du produit.

  1. Date Coding = Dates de fraîcheur

En France, la DDM – Date de Durabilité Minimale, ex-DLUO – est obligatoire et doit être inscrite clairement sur l’étiquette. Il semblerait qu’aux US, les contraintes soient moins importantes et que certaines dates ne soient pas clairement inscrites sur les emballages. En France, c’est différent. Cependant, ce point est pour moi, l’occasion de conseiller aux brasseries d’indiquer autant que possible la date d’embouteillage ou à défaut d’être clair sur le délais de fraîcheur (6 mois, 3 mois, 1 an ?) soit directement sur l’étiquette, soit lors de leurs communications avec leurs distributeurs et revendeurs.

Dans son article, Neil Witte, soulève un point que j’apprécie beaucoup. Il dit que même si aujourd’hui la majorité des consommateurs n’achètent pas leur bières en fonction de la DDM ; la multitude de bières sur le marché, l’augmentation de la qualité de celles-ci, les ateliers de dégustation, les festivals, les programmes de formation tel que le Cicerone, etc., etc., ont une raison d’être essentielle qui est celle d’accroître les connaissances des consommateurs.

A minima, ces dates sont importantes pour vous, vos distributeurs et vos revendeurs. Elles permettent, si celles-ci sont bien gérées d’assurer une bonne rotation de vos produits. Et même si le consommateur ne regarde pas la date, vous vous assurez que votre bière sera vendue dans la meilleure condition de fraîcheur et que ce même consommateur pourra apprécier votre bière sous son meilleur jour et la reprendre pour cette même raison. Neil Witte le dit bien : « The basic rotation rule of « first in first out » doesn’t work if there’s no date coding provided » que je traduirais par « La règle de base de la rotation : « premier entré, premier sorti » ne fonctionne pas si les dates de fraîcheur ne sont pas claires ». Et après 10 ans de caves à bière, je peux vous le dire, ce n’est pas toujours clair ;-).

  1. Field Quality = La qualité sur le terrain

Dans ce point, Neil Witte évoque l’anecdote du brasseur goûtant sa bière dans un bar et étant déçu car elle est mal servie. Chose intéressante que ce brasseur goûtant sa bière à la pression et ne la trouvant pas terrible certainement à cause de ligne mal lavées ou d’un mauvais stockage… Ce qui est drôle dans ce cas de figure, c’est qu’en France, on aurait tendance à blâmer le brasseur plutôt que le distributeur ou le revendeur. Et c’est plus souvent le revendeur qui va se plaindre d’une sur-carbonatation ou d’un goût désagréable plutôt que l’inverse.

Le résultat reste le même, c’est à la brasserie de s’assurer (une fois que son produit est propre à la consommation et dispose des qualités nécessaires à sa commercialisation) que son ou ses distributeurs travaillent dans le respect des règles de stockage et que son revendeurs disposent des connaissances nécessaires au service optimum de la bière. Il existe peu de formations sur ce sujet mais elles se développent. A vous de sensibiliser ou d’assister vos clients concernant les données techniques indispensables : pression/contre-pression, sanitation, stockage au froid et à l’abri de la lumière, etc., etc., etc.

  1. A Culture Quality = La Culture de la Quality

Dans ce dernier point, Neil Witte évoque la culture de la Qualité, c’est à dire cette envie, cette capacité a donné le meilleur de soi-même pour atteindre cet objectif de qualité. Un employé disposant de cet état d’esprit ne prendra pas de raccourci, sera intransigeant et fera toujours son possible pour produire la meilleure bière possible. Apprendre à se remettre en question régulièrement, s’interroger sur ses pratiques et procédures est un effort qui a toujours prouvé son efficacité. En effet, il ne suffit pas de mettre en place toutes ces méthodes, encore faut-il être intimement convaincu que cela sert à quelque chose et vouloir remettre en question ses propres méthodes pour pouvoir progresser constamment.

Si vous êtes gérant, manager ou propriétaire d’une brasserie, il est important de montrer l’exemple et de démontrer votre engagement envers la Qualité aussi souvent que possible. Lorsque vous disposez d’une équipe ou d’un membre de l’équipe capable de développer cet état d’esprit profitez-en ! Valorisez cette compétence, elle est précieuse. Et, si vous réussissez, cela aura des effets sur toutes les actions de votre entreprise et évidemment sur vos bières.

Note sur l’auteur : Neil Witte a plus de 20 ans d’expérience dans le milieu de la bière, il est Quality Ambassador pour la Brewers Association et co-auteur des livres « Draught Beer Quality Manual » et de « Draught Beer Quality for Retailers ».

À propos de AllegoriA

Je m'implique au quotidien à développer une consommation durable et responsable de la bière artisanale française.

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